Algues dans le lac Érié : une autre mauvaise année?

Le bassin versant des Grands Lacs est unique. Il contient près de 20 % de l’eau douce de surface de la planète, en plus de soutenir l’existence de plus de 30 millions de personnes. Dans ses eaux nagent et vivent environ 250 espèces de poissons. Il constitue un écosystème d’une valeur inestimable pour une foule de raisons. Toutefois, un gros problème pèse malheureusement sur l’un des Grands Lacs : de grands secteurs du lac Érié sont étouffés par des éclosions d’algues nuisibles.
Ces éclosions se produisent lorsqu’un excès de nutriments, en particulier du phosphore issu du ruissellement des eaux usées agricoles ou encore des eaux pluviales municipales, fait son chemin jusqu’au lac. Ces nutriments permettent la croissance des algues en si grandes quantités qu’elles recouvrent la surface de l’eau. Dans le lac Érié, ces éclosions ont des impacts considérables sur l’écosystème, et causent la mort massive de poissons à travers de grandes « zones mortes », où l’oxygène devient rare. Dans les secteurs affectés, les autorités doivent émettre des avertissements en vertu desquels les résidents doivent faire bouillir l’eau avant de la consommer.

Éclosion d’algues dans le lac Érié en date du 28 juillet 2015 © NASA Earth Observatory
Éclosion d’algues dans le lac Érié en date du 28 juillet 2015 © NASA Earth Observatory

Le problème n’est pas nouveau dans le lac Érié. Au cours des années 1960 et 1970, les éclosions avaient une telle ampleur que le lac en entier a été qualifié de « mort ». Le Canada et les États-Unis ont réagi en 1972 en signant l’Accord relatif à la qualité de l’eau des Grands Lacs. Les deux pays se sont entendus pour réduire la quantité de phosphore rejetée dans les Grands Lacs et pour combattre les éclosions d’algues. Ces efforts semblent avoir porté leurs fruits dans un premier temps, le lac montrant des signes de rétablissement : de meilleures conditions écologiques et moins d’éclosions.
Mais, malgré le succès de ces mesures correctives initiales, les éclosions nocives sont de retour et sont d’une ampleur jamais vue auparavant. On s’attend à ce que celles qui nous attendent plus tard cet été soient parmi les pires éclosions jamais vues dans le lac Érié.
Le retour des algues dans le lac Érié correspond aux résultats mis au jour dans les Rapports sur les bassins versants du WWF-Canada. Dans notre analyse du bassin versant des Grands Lacs, nous avons découvert que, dans les rivières et ruisseaux du sous-bassin du nord du lac Érié,  les niveaux de phosphore excédaient généralement la limite édictée dans les normes de qualité de l’eau. En fait, c’était le cas dans près de 80 % des échantillons récoltés entre 2008 et 2012, soit les données les plus récentes auxquelles nous avons accès.
Tous les indicateurs laissent présager que, à moins que l’on prenne des mesures évolutives afin de réduire la quantité de nutriments dans l’eau, les éclosions d’algues dans le lac Érié prendront des proportions encore plus grandes. Bref, nous devons agir et les gouvernements canadien et américain semblent l’avoir compris. En effet, ils négocient de nouvelles stratégies afin de diminuer le volume de nutriments qui aboutissent dans le lac.
Entre autres, en vertu de l’amendement de 2012 à l’Accord relatif à la qualité de l’eau des Grands Lacs, les deux pays ont ébauché des cibles relatives aux charges de phosphore qui seront adoptées en 2016. Le sous-comité responsable a émis certaines recommandations, dont celle de réduire de 40 % le phosphore rejeté dans le lac Érié afin de lutter efficacement contre les éclosions d’algues. Cette réduction de 40 % est également au centre d’une entente récemment signée par les gouvernements de l’Ontario, de l’Ohio et du Michigan afin de s’attaquer au problème dans l’ouest du lac.
Une autre proposition inspirante est le dépôt, une nouvelle fois, du projet de loi sur la protection des Grands Lacs en Ontario. L’adoption du Great Lakes Protection Act offrirait de nouvelles ressources au gouvernement de l’Ontario afin de mieux protéger les Grands Lacs contre des menaces telles que les éclosions d’algues et d’implanter la Stratégie ontarienne pour les Grands Lacs.
Les initiatives actuellement sur la table nous donnent plusieurs raisons d’être optimistes. Toutefois, l’incertitude enveloppe la manière dont ces mesures seront implantées sur le terrain. Leur succès – ou non – aura un effet direct sur l’état de santé des Grands Lacs pour les années et les décennies à venir… pour le meilleur ou pour le pire.