Des chercheurs du WWF captent le fantôme des montagnes en photo

par Rinjan Shrestha, scientifique en conservation
Le léopard des neiges, aussi connu sous le nom de fantôme des montagnes en raison de sa nature insaisissable, est l’un des félins les moins connus. Après une épuisante expédition de six jours dans les montagnes au nord de la région centrale du Bhoutan, nous avons enfin atteint les 4 500 mètres d’altitude, ce qui correspond à l’habitat de l’espèce menacée qu’est le léopard des neiges.

Léopard des neiges (Panthera uncia), massif rocheux de l'Altaï, Mongolie. © Fritz Pölking / WWF
Léopard des neiges (Panthera uncia), massif rocheux de l’Altaï, Mongolie. © Fritz Pölking / WWF

En plus de son caractère fuyant, leur répartition géographique dispersée et leur habitat isolé contribuent à faire de cet animal un des plus difficiles à étudier. Mais les agents de conservation doivent tout de même les répertorier afin de pouvoir évaluer si leur nombre est en déclin, s’il augmente ou s’il stagne. De cette façon, ils pourront entreprendre une stratégie pour assurer leur survie. Voilà la raison pour laquelle mon équipe et moi avons gravi 4 500 mètres dans les montagnes du Parc national centenaire Wangchuck au Bhoutan : pour les compter.

Snow leopard live in the Wangchuck Centennial National Park, Bhutan. © Rinjan Shrestha / WWF
Le léopard des neiges vit dans le Parc national centenaire Wangchuck, Bhoutan. © Rinjan Shrestha / WWF

Repérable grâce à leur fourrure tachetée bien typique, il nous est maintenant possible de compter les léopards des neiges à l’aide d’une caméra à déclenchement automatique dissimulée. Ces caméras prennent une photo dès qu’un objet ayant une température différente à celui de l’environnement ambiant bouge.
La première chose à accomplir dès notre arrivée était de repérer les sites où nous serions plus à même de trouver le léopard des neiges, soient le bas des falaises, les cols et les crêtes des montagnes. Ensuite, nous avons choisi les meilleurs endroits pour dissimuler les caméras. Nous les avons choisis en fonction de leurs positions, qui nous assurent d’avoir des photos de la tête, des pattes arrière et de la queue. Ces parties sont importantes puisqu’elles ne sont pas recouvertes d’une large couche de fourrure, ne déformant pas les taches typiques, ce qui en facilite l’identification individuelle.

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Photo prise par l’une des caméras à déclenchement automatiqu

Au total, cela nous aura pris un mois pour installer 27 stations munies de caméra sur le site d’étude faisant 800 Kilomètres carrés. Ces caméras devront rester sur le terrain pendant au moins deux mois.

Positionnement d’une camera sur un site pour capter les léopards des neiges. © Rinjan Shrestha

Revenu à Toronto suite à cette expédition, j’étais impatient d’avoir des nouvelles du terrain. Un matin, à ma grande joie, je reçus un appel du Bhoutan : nos caméras avaient non seulement captés des léopards des neiges, mais certains autres animaux vraiment intéressants! Un de ces derniers, le chat de Pallas, n’avait pas été observé dans cet environnement depuis 2012 (en anglais seulement). Au premier regard, les gens peuvent confondre le chat de Pallas avec un singe. Il serait l’un des animaux les plus primitifs de la planète à n’avoir pas changé, et ce, depuis 6 millions d’années!

Un chat de Pallas capté par les caméras du WWF/WCNP dans le Parc national centenaire Wangchuck. © WCNP-WWF Bhoutan

À ce jour, nous avons recueilli 1 013 photos de léopards des neiges, incluant deux groupes familiaux. La présence de populations de léopards des neiges signifie que le Parc national centenaire Wangchuck est l’habitat central du léopard des neiges dans l’Himalaya oriental.

Les caméras ont captés neuf types différents de léopard des neiges. Notez les différentes taches qui les différencient entre eux. © WWF-WCNP, Bhoutan

En effectuant une étude approfondie des taches spécifiques, ainsi qu’une vérification croisée des photos, grandement facilitées par le travail de trois bénévoles du WWF-Canada (en anglais seulement), nous avons pu identifier qu’il y avait minimalement neuf individus différents parmi les léopards des neiges présents sur le terrain. Mais nous savons aussi que ce ne sont pas tous les léopards des neiges présents sur le site qui ont pu être captés par nos caméras. Par conséquent, pour estimer le nombre de léopards des neiges qui n’ont pas été captés, nous avons mis en œuvre la méthode d’inférence statistique connue comme l’analyse capture-recapture. Les résultats de ces analyses révèlent que le nombre de léopards des neiges présent dans le parc oscille entre neuf et onze individus. Nous avons aussi pu estimer la densité de population, qui est de 2,31 individus par 100 Kilomètres carrés. Cette donnée facilitera la comparaison éventuelle entre les différents endroits et les différentes périodes de temps.

La distribution du léopard des neiges sur le terrain à l’étude. Respectivement, les pixels rouges, vert pâle et vert foncé représentent une densité faible à élevée.

Réalisée conjointement avec le Gouvernement du Bhoutan et l’Asia High Mountains Project du WWF, cette étude constitue la première évaluation systématique de la population de léopard des neiges dans ce parc. Cette étude procure ainsi les données de base qui guideront les gestionnaires du parc à travers leur stratégie de conservation et leur permettra ainsi de mesurer les succès accomplis et les défis à relever dans les jours à venir afin de protéger le léopard des neiges.

Une famille de léopards des neiges. © WWF-WCNP, Bhoutan

Le 25 novembre 2013, pour la première fois au Népal, nous avons pu fixer des colliers satellites des léopards des neiges. Le WWF, en partenariat avec le Gouvernement du Népal et la National Trust for Nature Conservation, surveillent les opérations de télémétrie par satellite. Ces colliers nous aideront à en apprendre davantage sur ces gros et rares félins et espérons-le, les préserver pour les générations à venir.
Apprenez-en plus sur notre travail sur le léopard des neiges et découvrez comment aider.

(Vidéo en anglais seulement)