Le droit à l’intégrité de l’Arctique

Co-écrit par David Miller, président et chef de direction, WWF-Canada et Sheila-Watt-Cloutier, auteure et activiste inuite
Publié originellement dans le Ottawa Citizen
En ce moment à Paris, le monde doit trouver un consensus à propos de l’urgence d’agir pour limiter les changements climatiques et s’entendre sur un plan d’action. Dans l’Arctique canadien, les changements climatiques sont déjà bien visibles.
En effet, les communautés et espèces vivant dans ce vaste territoire qu’est l’Arctique ressentent un changement climatique qui est deux fois plus rapide que sur le reste de la planète.

A mother polar bear (Ursus maritimus) and her two year old cub crossing the tundra in the Churchill Wildlife Management Area outside of Churchill, Manitoba, Canada.
Une maman ours polaire (Ursus maritimus) et ses petits traversant la toundra tout près de Churchill, Manitoba, Canada. © Gerald ALLAIN/IPTC photographer not in GPN: 10949 / WWF-Canada

Les profonds changements qui se produisent présentement en Arctique ne se limitent plus aux enjeux environnementaux, mais deviennent aussi sociaux, économiques, culturels, voire même relatifs aux droits humains fondamentaux.
Changements profonds
La fonte de la banquise et la transformation de l’environnement physique provoquent d’énormes changements sur la nature environnante. Les caribous sont en sérieux déclin. Il y a seulement quelques années, il aurait été impossible de trouver les orques où on les retrouve aujourd’hui. Cette situation change la donne pour les autres espèces n’étant pas habituées à ce prédateur. Si le rythme des changements climatiques ne diminue pas, l’habitat des espèces qui dépendent de la banquise pour survivre sera dramatiquement mis à l’épreuve. L’impact sur les collectivités est tout aussi important : les anciens et les chasseurs ne s’y retrouvent plus, la température étant imprévisible et dangereuse. Les passages traditionnels deviennent inaccessibles due à la glace qui rétrécit. L’impact n’est pas seulement économique : empêcher les peuples de chasser et pêcher a un impact culturel significatif, particulièrement sur la jeune génération, parce que c’est normalement via ces activités coutumières qu’on leur apprend la patience, le courage et le leadership.
L’exploration pétrolière prolifère
Les Inuits dépendent de la banquise depuis des milliers d’années et maintenant qu’elle fond considérablement, de nouvelles pressions apparaissent. Les explorations pétrolières et gazières qui auparavant n’avaient pas lieu d’être dans cette partie du globe sont maintenant réalité. Les risques sont extrêmement sérieux – une éruption dans la mer de Beaufort déverserait le pétrole aussi loin qu’en Russie, détruisant l’environnement tout autour, la nature et la vie sur son passage. Paradoxalement, aucune interruption de ces explorations n’est prévue, ce qui accentue le risque et qui met l’Arctique dans une position critique face aux changements climatiques.
Les énergies renouvelables : un vent d’espoir
Mais nous avons la chance de pouvoir encore faire les choses autrement. Nous avons la chance de développer l’économie du nord de façon durable en protégeant aussi la nature et le peuple arctique, en commençant par travailler de concert avec les communautés locales et en prenant en considération leurs besoins et leurs savoirs traditionnels. Ces dernières utilisent maintenant l’énergie à partir de la terre, propre et verte, qui constitue une variation moderne d’une pratique ancestrale. Ainsi, avec les grands parcs éoliens sous le cercle polaire arctique à Kotzebue en Alaska et les panneaux solaires installés dans les Territoires du Nord-Ouest, les peuples autochtones du nord démontrent que c’est possible de passer outre les obstacles techniques et de faire la transition vers des énergies renouvelables.
Ces efforts sont positifs. Mais nous pourrons faire encore plus maintenant que nous avons le leadership à Ottawa.
Le rôle du Canada à Paris
À la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies à Paris cette année, le Canada jouera un rôle positif, renversant presque une décennie d’inaction et d’obstruction en matière environnementale. Un accord international doit être scellé et doit démontrer que nous nous engageons à protéger les communautés et la planète en promettant de sortir des énergies fossiles et arriver à une utilisation à 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2050.
En décembre, les nations ont l’opportunité de s’unir afin de provoquer un réel changement et de poser des gestes concrets et significatifs pour réduire les émissions globales de gaz à effet de serre.
Le Canada ne doit plus se laisser guider par la fausse peur voulant que lutter contre les changements climatiques affecte négativement notre économie.
Le Canada devrait plutôt profiter de sa capacité à agir afin de démontrer qu’en mettant l’environnement au premier plan, l’économie en bénéficie grandement.
L’Arctique est en quelque sorte le signe précurseur de ce qui arrivera par la suite si nous restons inactifs. Mais c’est aussi l’endroit idéal pour démontrer que c’est possible de créer une économie qui protège l’environnement. À Paris, le Canada pourrait commencer à réclamer le rôle de leader diplomatique international et ainsi devenir un joueur important pour conclure l’accord qui sauvera l’Arctique, et, ultimement, la planète tout entière.