Le problème des Grands Lacs qui ne gèlent pas en hiver

Les scientifiques en conservation sont préoccupés par le manque de glace sur les Grands Lacs qui est à un niveau presque historique cet hiver.
En moyenne, environ 50 % de la surface des lacs est recouverte de glace pendant l’hiver. L’année dernière, l’hiver fut particulièrement froid, la moyenne de surface gelée a atteint 88,8 %. L’année d’avant, elle était de 92,5 %, le deuxième record jamais enregistré. À l’heure actuelle, nous n’observons que 15 % sur trois des Grands Lacs (Huron, Érié et Michigan), alors que sur le lac Supérieur et Ontario, elle est à peine au-dessous de 5 %. Si la glace ne se développe pas davantage dans les prochaines semaines, 2016 risque de battre le record de 2001-2002 qui n’a été que de 9,2 % de la surface gelée.

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Lac Ontario presque sans glace, 6 janvier 2015. © NOAA CoastWatch

En surface, le manque de glace rend les compagnies de transport maritime bien contentes, leurs bateaux peuvent opérer sans devoir utiliser les très dispendieux brise-glaces. D’un autre côté, les pêcheurs sur glace, eux, ne sont pas très heureux, ils doivent rester à attendre sur le rivage.
Sous la surface, par contre, les choses se passent différemment : les jeunes poisons feront face à des environnements plus hostiles; les habitats côtiers seront en péril; les risques de pollution seront plus élevés; et les problèmes de prolifération d’algues deviendront pires qu’en période estivale, provoquant une augmentation de la fermeture des plages.
Les rapports du WWF sur les bassins versants soulignent les menaces auxquelles la région des Grands Lacs est confrontée à cause des changements climatiques et, encore plus, de la pollution. Le réchauffement et les hivers sans glace vont potentiellement exacerber ces menaces, c’est pourquoi le WWF-Canada travaille pour s’assurer que toutes les eaux canadiennes soient en bonne santé d’ici 2025. Nos scientifiques en conservation veulent s’assurer que les espèces qui dépendent des Grands Lacs, incluant les humains, ne soient pas mises sur la glace pour les années à venir.
Normalement, l’hiver est le moment où il y a beaucoup moins d’eau qui circule à travers les rivières dans le sud de l’Ontario. Cette période est aussi connue comme celle des basses eaux, puisque les précipitations s’accumulent sous forme de neige. Lors d’un hiver doux, les précipitations tombent en pluie ou en neige fondante, ce qui augmente le débit des rivières, qui peut à son tour mener à l’érosion des berges et à l’augmentation de la pollution. Ceci a des effets directs sur des espèces comme les ménés et les tortues qui hibernent, qui ne sont pas habituées à des débits élevés en hiver. L’absence de glace peut aussi avoir des effets sur la reproduction d’espèces de poisson telles que la truite grise et le grand corégone.
Encore plus important, sans l’accumulation de neige et de glace au printemps, les rivières se réchaufferont plus rapidement et cela déséquilibrera la délicate chaîne alimentaire en place. Certaines espèces de poisson se fient à la température de l’eau pour frayer afin que les jeunes éclosent et qu’ils soient prêts pour l’augmentation de plancton, une des sources principales d’alimentation pour ces jeunes poissons. En temps normal, nos hivers froids canadiens permettent à la glace de se former le long des rivages et cette dernière protège les œufs de poissons pondus à l’automne des grands vents et des vagues de l’hiver précoce.
Si ces faits ne se produisent pas (basses eaux et fonte de la neige), le rendement en poissons d’une année entière pourrait être affecté.
Cette récente étude sur les eaux de surface des lacs de l’université York démontre que les lacs se réchauffent plus rapidement que prévu dû aux changements climatiques, et ce, partout dans le monde. Des eaux plus chaudes et des températures de l’air plus chaudes suggèrent que nos hivers à venir ne permettront peut-être pas à nos lacs d’entrer dans le cycle gel-dégel régulier.
Ce sont des nouvelles particulièrement mauvaises pour les lacs où l’eutrophisation est un problème, comme les Grands Lacs. Le manque de glace en hiver peut mener à un réchauffement précoce au printemps, ce qui augmentera potentiellement la magnitude des algues toxiques, menaçant la santé humaine et aquatique.
Le lac Érié a connu une augmentation du nombre d’algues nuisibles au cours des dernières années et en 2011, il a connu un record jamais égalé d’éclosion d’algues toxiques, la surface couvrant 5 000 km2.
Pour en savoir plus sur le travail en conservation de l’eau douce, visitez le site Internet du WWF-Canada.