Les communautés éloignées sont sans défense face aux déversements, conclut un rapport

Alors que les activités minières augmentent et que la diminution de l’étendue de la glace d’été rend l’Arctique plus accessible, les risques de déversements provenant des navires ne fera qu’augmenter. Dans l’éventualité d’un déversement, les communautés côtières du Nunavut et de la région de Beaufort seraient les premières à devoir réagir, et celles qui ont le plus à perdre. En dépit de cette réalité, les résultats de nos recherches démontrent qu’elles ne sont absolument pas préparées.

© Martin Von Mirbach/WWF – Un cargo voyage à travers Navy Board Inlet, à proximité du détroit de Lancaster, Nunavut

Le WWF-Canada a commandé une analyse sur l’état de l’équipement, des formations, du financement et de la législation pour le Nunavut et la région de Beaufort. Les problèmes suivants ont été identifiés :

  • Seulement un petit nombre de communautés côtières ont accès à un équipement de base de réponse aux déversements de la Garde côtière canadienne.
  • Les communautés qui disposent d’un tel équipement affirment qu’il est entretenu de façon irrégulière, que trop peu de membres de la communauté sont formés pour l’utiliser, et que certaines communautés n’ont même pas la clé pour accéder aux contenants de stockage.
  • Les conditions météorologiques extrêmes, les périodes de noirceur prolongée et la présence de la banquise rendent la plupart des équipements de réponse inefficaces.
  • L’éloignement des communautés implique que les temps de réponse pour un nettoyage à grande échelle et l’accès au stockage de l’équipement peuvent être plus de dix fois supérieurs à ceux que l’on retrouve au sud du 60e parallèle nord.
  • Le manque d’infrastructures fiables de communications rend difficile, pour les communautés, de demander de l’assistance et, pour les répondants, de communiquer avec ceux qui restent sur la terre ferme durant un déversement.

Les conséquences d’un déversement dans une communauté éloignée ne peuvent être sous-estimées.
John Noksana Jr., membre Inuvialuit du Comité mixte Canada-Inuvialuit de gestion des pêches et premier répondant, vit à Tuktoyaktuk, à la frontière ouest du passage du Nord-Ouest. Il a été témoin de l’état lamentable de l’équipement de réponse aux déversements dans la région de Beaufort.
Dans une entrevue avec CBC, il affirme qu’un déversement « dévasterait » son peuple : « Où obtiendrions-nous notre nourriture? Il y a des poissons qui quittent le port Tuk, où les gens pêchent, il y a des phoques et des caribous qui vivent et s’abreuvent dans ces eaux; c’est notre alimentation de base ».

© Ronny Frimann/Zine.No – Des employés et bénévoles du WWF prqtiquent l’utilisation d’une estacade pour récupérer le pétrole sur l’eau à NordNorsk Beredskapssenter dans Fiskebol, en centre de formation où les gens apprennent comment nettoyer le pétrole et le gaz déversés dans l’eau et le long des berges. Îles Lofoten, Nordland, Norvège.

Un déversement en Arctique contaminerait des habitats importants pour les ours polaires, les morses, les oiseaux de mer et les phoques, ainsi que pour les narvals, les bélugas et les baleines boréales. Les habitats des poissons, aliments à la base de l’alimentation en Arctique, seraient aussi sévèrement endommagés.
Et les dommages ne seraient pas nécessairement contenus dans une seule communauté. Si un déversement est retenu sous la banquise, la contamination pourrait s’étendre aux communautés situées à des centaines de kilomètres.
La voie à suivre
Parallèlement à la mise en lumière des manques existants dans les plans de réponse aux déversements et la préparation, le WWF-Canada fait plusieurs recommandations afin d’améliorer l’état actuel de la réponse face aux déversements dans les communautés éloignées de l’Arctique, voire prévenir un éventuel déversement.
La première et plus importante recommandation est d’éliminer l’utilisation du mazout lourd (HFO), le combustible le plus toxique et difficile à nettoyer en Arctique. Le HFO est interdit aux navires en Antarctique, et le WWF-Canada travaille avec les leaders des communautés autochtones et l’Organisation maritime internationale afin de débuter le processus de retrait progressif en Arctique également.
Les normes concernant les temps de réponse dans le Nord ne devraient plus être inférieures à celles au sud du 60e parallèle nord. Des plans de réponse basés sur la communauté devraient être développés et le financement pour la formation des répondants devraient être augmenté.
De plus, les organisations Inuits devraient être consultées lorsque des décisions affectant les communautés arctiques sont prises, et les savoirs traditionnels devraient être utilisés pour cibler les routes navigables sécuritaires et les zones à éviter.
Nous sommes au courant des problèmes. Nous pouvons maintenant effectuer les changements nécessaires en ce qui concerne la réponse aux déversements, avant que notre chance ne tourne.