Planification incohérente de la protection marine au Canada

Nous célébrons aujourd’hui la Journée mondiale des océans, et le gouvernement n’a plus que six mois pour accomplir une importante tâche : protéger 5 % des aires marine canadiennes d’ici le 31 décembre 2017. L’échéance approche; il est temps de vérifier les progrès réalisés. Comment s’en sort le Canada?
Pourquoi la protection marine?
Les aires marines protégées (AMP) sont des refuges où la vie marine peut se rétablir de l’impact des activités humaines. Elles supportent la biodiversité dans sa globalité, tels que le font les parcs nationaux sur la terre ferme, en limitant le développement dans certaines zones pour permettre à la faune de s’épanouir.

© Florian Schulz / WWF Les baleines à bosse sont l’une des nombreuses espèces à bénéficier des aires marines protégées

Les AMP sont absolument indispensables. Depuis 1970, les océans du globe ont perdu plus de 36 pour cent de leurs populations d’espèces marines, en raison notamment de la surexploitation, de la perte d’habitats et des changements climatiques. Près du tiers (31 %) des populations de poissons à l’échelle mondiale sont pêchées à des niveaux non durables.
Les meilleures notes
Des progrès notables ont été accomplis au cours de la dernière année, avec l’annonce de nouvelles AMP. La majorité de ces AMP pourront offrir une réelle protection des habitats au bénéfice des espèces marines.
L’AMP du banc de Sainte-Anne sera fermée à la pêche commerciale à 75 %, avec une interdiction totale d’engins de pêche destructeurs comme les filets de chaluts de fond qui nuisent aux tortues luth qui y résident.

© Kevin Schafer / WWF Un béluga dans l’océan Arctique

Anguniaqvia niqiqyuam (baie Darnley) est un habitat critique pour les bélugas et les ours polaires, et c’est la premières AMP au Canada dont les objectifs de conservation seront guidés par les savoirs traditionnels autochtones.
Les aires marines protégées comme celles-ci sont zonées interdites à certaines activités commerciales telles que la pêche industrielle, l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz et l’exploitation minière des fonds marins.
Place à l’amélioration…
Ce ne sont pas toutes les nouvelles aires marines protégées qui sont satisfaisantes en regard des normes internationales de protection marine. Prenons par exemple la première réserve nationale de faune en milieu marin (RNFm) des îles Scott, annoncée en décembre 2016.
La réglementation proposée ne protégera pas les oiseaux et espèces marines habitant sur l’île et aux alentours comme les otaries de Steller, les baleines grises, les baleines à bosse et trois populations distinctes d’épaulards, pour n’en nommer que quelques-uns.
L’exploitation pétrolière et gazière y sera encore permise et les pratiques nuisibles de pêche, comme celle au chalut de fond, ne seront pas interdites par la loi en vigueur dans la région. Le WWF-Canada travaille donc avec d’autres organisations à renforcer la réglementation pour que les 11 espèces en danger ou menacées qui habitent la région puissent être adéquatement protégées dans cette RNFm.

© Daniel Fox / WWF Les otaries de Steller vivent dans le Pacifique Nord

Sur la bonne voie pour échouer
Nous sommes encore plus préoccupés par un autre grand projet annoncé : la réglementation de l’AMP du chenal Laurentien, qui est en voie d’être la plus vaste AMP du Canada à ce jour. Il s’agit d’une zone d’alimentation importante pour les tortues luths menacées, et l’habitat d’autres espèces telles que le loup à tête large, la maraîche (requin-taupe), la raie à queue de velours et les aiguillats noirs.
À moins d’un changement, l’exploitation du pétrole et du gaz serait en voie d’être autorisée sur plus de 80 pour cent de la zone.

Quel genre d’AMP souhaitons-nous?
Les activités pétrolières et gazières ne seront jamais compatibles avec la conservation. Les citoyens d’un bout à l’autre du pays sont d’accord : dans ce sondage d’opinion mené par Environics Research pour le WWF-Canada à l’automne 2016, 80 % des répondants jugent que l’exploitation pétrolière et gazière est inacceptable dans une aire marine protégée. De plus, 91 % appuyaient les standards minimums pour la protection marine – ces mêmes standards qui ne sont pas satisfaits dans les aires proposées telles que le chenal Laurentien et les îles Scott.
La Journée mondiale des océans est une journée pour célébrer nos progrès en protection des océans, qui couvrent plus de 70 pour cent de notre planète. Le Canada peut être fier de certaines de ses avancées vers l’atteinte des objectifs établis pour la fin de 2017, et l’objectif subséquent de protéger 10 % de ses océans d’ici 2020.
Mais nous ne débouchons pas encore le champagne. Il restera sur la glace, alors que le WWF-Canada travaille encore à garantir des normes élevées de protection marine pour nos trois océans.