L’apiculture urbaine, ça aide la biodiversité ou pas?

Dans le cadre de son programme Biopolis sur la biodiversité urbaine, le WWF-Canada organisait, le 28 août dernier, son tout premier café de discussion sur les enjeux de biodiversité à Montréal. Les Cafés WWF se veulent des occasions de rencontre et d’échange entre chercheur.e.s, professionnel.le.s et citoyen.ne.s de tous milieux, dans une ambiance décontractée et accueillante. Au menu de ce premier Café : l’apiculture urbaine et ses impacts sur les espèces indigènes. Vous ne pouviez y être? Voici un résumé de la discussion!
Qui sont nos abeilles montréalaises?
On connait bien l’abeille à miel, aussi appelée abeille domestique (Apis mellifera). Cette espèce sociale, originaire d’Europe, nous offre non seulement le miel, mais elle se révèle fort utile en agriculture, grâce au service de pollinisation qu’elle effectue « gratuitement ». Sans intervention humaine, elle ne survit pas à nos conditions hivernales. Bien qu’elle soit la plus connue des abeilles, elle est loin d’être la seule.
On compte au Québec environ 350 espèces d’abeilles sauvages. À l’exception des bourdons, qui font eux aussi des ruches, et quelques espèces semi-sociales, nos abeilles sauvages sont solitaires. Elles nichent dans le sol ou dans des cavités naturelles, et présentent une incroyable variété de tailles, de formes et de couleurs. On en observe d’ailleurs très souvent, sans savoir qu’il s’agit d’abeilles! Étant indigènes – ce qui signifie qu’on les retrouve naturellement ici, sans intervention humaine – ces espèces ont évolué avec les plantes locales. Elles sont donc d’une importance capitale pour leur pollinisation.

© Marc Sardi

© Marc Sardi

Impact de l’apiculture urbaine
En réponse au déclin mondial des pollinisateurs, l’apiculture urbaine a explosé en popularité, ces dernières années. À Montréal, le nombre de ruche est passé de 47 en 2011 à 500 en 2016. En 2018, on en retrouve 400, seulement dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal.  Les écologistes s’inquiètent de plus en plus de la compétition que peuvent causer toutes ces abeilles domestiques sur les espèces indigènes.
Le biologiste Frédéric McCune a dédié sa maîtrise, réalisée à l’Université Laval, à l’impact de l’apiculture urbaine sur les abeilles sauvages, à Montréal. Si les résultats de son étude n’ont pas démontré d’effet négatif sur les abeilles indigènes, laissant croire qu’une cohabitation est possible, il invite tout de même à la prudence : « La densité de ruches était encore très faible à Montréal en 2012 et 2013. La réponse des abeilles sauvages dépend probablement de cette pression de compétition et de l’abondance des ressources florales. »

De bonnes pratiques
La coopérative de solidarité Miel Montréal pratique l’apiculture dans la métropole depuis 2011. Depuis sa création, le regroupement a assisté à un changement de paradigme. « Ce qui était d’abord une solution semble être devenu un problème. On estime qu’il faut de un à huit hectares de ressources florales par ruche. Si on a plusieurs centaines de ruches dans les quartiers centraux, en plus des populations de pollinisateurs indigènes, a-t-on réellement assez de fleurs pour répondre à leurs besoins? », questionne Gabrielle Lamontagne-Hallé, co-porte-parole de Miel Montréal.
Face à ces incertitudes, Miel Montréal a lancé, en 2017, la Charte de l’apiculture urbaine, visant à sensibiliser les apiculteurs urbains aux pratiques durables. La mission de la coopérative se voue à l’éducation, notamment en démystifiant la cause des pollinisateurs. « On ne fait pas de l’apiculture urbaine pour sauver les abeilles à miel. C’est une espèce exotique maintenue au Québec par l’humain. Ce serait un peu comme dire que les chiens et les chats domestiques sont menacés de disparition », ajoute Gabrielle. De plus, Miel Montréal refuse d’ajouter de nouvelles ruches dans les zones saturées, encourageant plutôt les apiculteurs à joindre des ruches existantes, ou à contribuer à la sauvegarde des pollinisateurs par d’autres moyens.
Fleurs à la rescousse
Comment, alors, aider les pollinisateurs? Marika D’Eschambeault, responsable du programme Mon jardin Espace pour la vie, regorge de pistes de solutions. « Jardiner pour la biodiversité, c’est jardiner de façon écologique » affirme-t-elle tout d’abord. Elle nous encourage à opter pour des méthodes d’entretien bio, à choisir des espèces florales indigènes et riche en nectar, et à prévoir son jardin en s’assurant une floraison continue tout au long de la saison. De nombreux conseils, ainsi que des listes d’espèces suggérées, se retrouvent sur le site internet de Mon Jardin.

© Marc Sardi

Au final, que conclure de toute cette discussion? Les abeilles sont-elles réellement en danger? Et pour les sauver, faut-il se mettre à l’apiculture? « Ce qu’il est important de comprendre, c’est que nous sommes ici devant deux problèmes distincts.», affirme Fréréric McCune. « Le problème d’effondrement des colonies d’abeilles domestiques est un enjeu économique alors que le déclin des pollinisateurs, ce qui comprend nos abeilles sauvages, représente un enjeu environnemental. »
Et on ne peut pas régler les deux avec la même solution. L’apiculture urbaine, pratiquée de façon responsable, peut être un loisir agréable et inoffensif, mais il ne s’agit pas d’une solution au déclin des pollinisateurs. Face à cette menace bien réelle, la création d’habitats pour pollinisateurs demeure la meilleure des solutions. Alors, amis des abeilles, guêpes, papillons et colibris : à vos râteaux!
Ne manquez pas notre prochain Café WWF sur les espèces exotiques envahissantes, le 18 septembre!