La renommée mondiale, encore faut-il que ce soit la bonne…

J’ai été occupé à faire deux choses la fin de semaine dernière. D’abord, j’ai essayé de digérer la déplorable déclaration de notre gouvernement fédéral. Je parle bien sûr de son intention renouvelée d’affaiblir le processus d’évaluation du projet d’oléoduc Northern Gateway, en dépit des risques environnementaux que représente ce projet pour un joyau écologique du Canada. Ensuite – pour me distraire un peu? –, j’ai regardé les Olympiques à la télé (l’équipe féminine canadienne de soccer a été fabuleuse, quoiqu’en ait pensé l’arbitre!).
C’est alors que l’idée m’est venue. Comme tout le monde, j’aimerais bien voir les athlètes canadiens monter souvent sur la marche supérieure du podium en 2012. Malheureusement, en dehors du sport, le Canada semble chercher à tout prix à « gagner » un titre dont personne ne devrait vouloir, celui de médaillé d’or du soi-disant nettoyage de déversements de pétrole.

À l’échelle mondiale, on estime réussie l’opération de nettoyage qui permet de récupérer 15 % du pétrole déversé. Est-ce cela qu’on veut faire ici? (C) Andrew S. Wright

Pas de quoi se péter les bretelles, si vous voulez bien me passer l’expression. Et la raison est simple, c’est que les techniques dont nous disposons sont pitoyablement inefficaces à récupérer le pétrole flottant à la surface de l’eau. Voyons un peu les trois techniques de base utilisées : 1) on brûle tout ça sur place, c’est-à-dire que l’on essaie de concentrer le plus de pétrole possible devant un barrage flottant et on y met le feu; 2) on récupère mécaniquement, c’est-à-dire qu’on ramasse tout ce qu’on peut; et 3) on utilise des agents dispersants chimiques pour briser les molécules du pétrole, c’est-à-dire que l’on injecte encore plus de toxines dans l’écosystème marin. Précisons tout de suite que ces méthodes ne sont pas à toute épreuve. Il arrive par exemple que les conditions au large soient trop difficiles pour entreprendre quelque intervention que ce soit. Et, l’erreur humaine aura vite fait d’empirer la situation, quelle que soit la méthode employée. Rappelons également qu’à l’échelle mondiale, la récupération d’aussi peu que 15 % du pétrole est considérée comme une opération de nettoyage réussie. Dans le cas de la catastrophe de la plateforme BP Horizon, le taux de récupération était plus proche des 3 %. Et l’Exxon Valdez? Je vous le donne en mille : 8 %! Si c’est ça être reconnu à l’échelle mondiale…
Est-ce que j’ai dit que ce taux, c’est pour le pétrole qui est à la surface de l’eau? Or, dans le cas de l’oléoduc Northern Gateway, on ne parle même pas de pétrole, mais de bitume dilué, un cocktail de diluants chimiques et de bitume. Et comme l’ont souligné nombre de scientifiques (la plupart, pour tout dire), cette matière ne flotte pas, elle coule à pic. Le bitume qui tombe à l’eau est quasiment impossible à retrouver, alors pour ce qui est de le récupérer…
Les plus vieux d’entre nous se souviendront de 1988. D’abord, le Nestucca déversait 5 500 barils de mazout lourd au large des côtes de Grays Harbor, dans l’état de Washington. Le bateau a coulé et on ne l’a jamais retrouvé. Deux semaines plus tard, il échouait sur les berges de l’île de Vancouver, à 175 kilomètres de là. Si je vous dis que plus de 9 000 oiseaux marins ont péri à cette occasion, cela vous donne une idée de l’ampleur de la catastrophe.
Autre grande différence entre le bitume dilué et le mazout lourd : lors d’un déversement de bitume dilué, les « diluants » sont libérés sous forme de gaz toxiques – ceux-là mêmes qui ont rendu les gens malades à Kalamazoo. Alors non seulement nous ne serons pas capables de retracer le bitume déversé, mais il faudra des jours avant de pouvoir même commencer à chercher, le temps que les gaz se dispersent.
Au vu de cette extraordinaire feuille de route et devant une telle maîtrise technique – vous me pardonnerez cette ironie –, on peut se demander ce que la renommée mondiale peut bien signifier. Pour moi la réponse est claire. L’Histoire rendra honneur aux pays qui auront choisi de protéger leurs lieux les plus précieux contre des déversements de pétrole, pas à ceux qui se seront contentés de « faire de leur mieux » pour nettoyer les dégâts.
Nous voulons vraiment nous démarquer comme chefs de file dans le monde? Pourquoi ne pas commencer par déterminer dans quels lieux on ne saurait permettre de risquer un déversement? Au pays du Grand Ours, par exemple.
Joignez votre voix à la nôtre pour défendre le pays du Grand Ours contre le risque d’un déversement. Joignez-vous aux Citoyens pour la protection du Grand Ours.